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Les syndicats auraient-ils eu raison face à l’aveuglement

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Eure.Un audit externe pointe les dérives de la Police municipale d’Évreux

Conduit par un cabinet indépendant à la demande du maire, les conclusions de l’audit pointent un désordre aux limites de la légalité au sein des services se sécurité d’Évreux.

Guy Lefrand en avait fait la promesse publiquement lors de la séance de conseil municipal  d’Évreux, du 15 novembre 2021. Malmené par l’opposition, après plusieurs affaires ayant entaché la réputation du chef de service de sûreté et prévention, le maire avait annoncé le lancement d’un audit sur l’organisation et le fonctionnement des services de la direction Prévention sécurité de la ville. « J’ai demandé au directeur général des services de lancer un audit externe de manière à faire le point, pour savoir ce que M. Demée a pu faire, dire ou subir, mais aussi pour chacun des agents de la police municipale ».

Une politique de sécurité ambitieuse

Confié à un cabinet indépendant (FMVT Conseils – cabinet créé par un ancien inspecteur de police, officier de police judiciaire à la brigade des stupéfiants de Paris, ex-capitaine des Compagnies Républicaines de Sécurité et coordonnateur national des détachements d’intervention à résidence en charge de l’accompagnement de la Police de proximité), cet audit a bien eu lieu.

De janvier à avril 2022, plusieurs agents nous ont confirmé avoir été entendus dans le cadre de cet audit. Quatre mois durant lesquels le cabinet explique avoir fait en sorte, selon la volonté du maire de la ville, « que l’ensemble des fonctionnaires territoriaux et les représentant.es de l’administration puissent disposer d’un espace de paroles libre et confidentiel cadré au périmètre de l’audit ». 

 

Transmis le 4 avril 2022 à la direction générale des services de la Ville et de l’agglomération, le rapport d’audit est sans appel. Il souligne, dans sa synthèse, la mise en place par Guy Lefrand d’une politique publique de prévention et de sécurité « prioritaire et ambitieuse » en termes « d’intention politique et d’investissement humain, technique et financier ».

Un fonctionnement jugé chaotique

S’il met en avant la politique volontariste affichée par Guy Lefrand dès le début de son premier mandat en matière de sécurité publique, le rapport estime que cette intention politique est confiée « à une direction non structurée, non pilotée, démunie de stratégie, aux missions équivoques et non évaluées, au fonctionnement chaotique, générateur de confusion et d’insécurités juridiques, physiques, d’écarts déontologiques, de discriminations et par conséquent, de risques de mise en œuvre des responsabilités de l’autorité territoriale ». 

 

Le constat, alarmant, va plus loin. Le rapport évoque, faute de doctrine d’emploi et de feuille de route, « un service de police municipale désorganisé, déstructuré, au commandement et au management erratiques, facteurs de risques psychologiques, et par conséquent d’importants risques de mise en œuvre des responsabilités de l’autorité de police communale ». 

En l’absence de toute démarche de projet et de respect rigoureux des cadres légaux et réglementaires, les services de la direction de la prévention et de la sécurité publique se sont construits et développés de manière empirique voire anarchique, portés par des besoins de sécurité et sûreté insuffisamment analysés et des intérêts particuliers. »

Confusion des genres

Présent à Évreux du vendredi 7 au samedi 14 janvier, du lundi 28 février au samedi 5 mars, le cabinet précise avoir conduit des entretiens individuels et collectifs qui ne se sont pas limités aux agents municipaux. En externe de la collectivité, les représentants de l’État et les autorités judiciaires ont pris acte, selon le cabinet d’audit, du renforcement des moyens mis en œuvre pour répondre à un véritable besoin de la population. Tout en reconnaissant une part de responsabilité dans la dynamique partenariale entre les différents dispositifs, les autorités pointent la confusion des genres entre des agents de sécurité incendie exerçant des missions de police municipale, des tenues de couleur noire portant à confusion, « des formes de négligence » dans le maniement des armes de la PM, des rivalités personnelles et des personnalités clivantes « mettant à mal l’image municipale ».  Bref, « il manque quelqu’un pour guider… Il y aurait besoin que le service de police municipale bénéficie de procédures claires ».  Au fil des 28 pages de ce rapport, les consultants de FMVT révèlent un service quasi « hors contrôle » dans le but « d’attirer l’attention du maire sur les risques de mise en œuvre de ses responsabilités pénales, civiles et administratives ». 

Des conseils pour optimiser le projet politique de sécurité

Après 20 pages consacrées aux différents constats, observations et analyses, FMVT Conseils passe aux recommandations. Huit pages de conseils établis sur la base des textes réglementaires., FMVT préconise une réorganisation en profondeur pour recadrer le service de sûreté et prévention de la Ville et éviter tout risque juridique.

La liste est longue. Mais en urgence, il conseille de réaffecter l’ensemble des missions de police effectuées par le service prévention et sûreté du patrimoine, au service de police municipale, d’effectuer une analyse d’impact de la protection des données du dispositif du service de vidéoprotection, avec la création d’un comité d’éthique et l’élaboration d’un rapport annuel qui sera présenté au conseil municipal.

L’adjoint ne commente pas, le maire se tait

En charge des questions de sécurité au sein de la majorité municipale, Nicolas Gavard Gongallud nous a confirmé l’existence et le contenu de ce rapport d’audit qu’il ne juge « pas très sérieux ». Sans aller plus avant. « Une réorganisation est en cours, mais je ne ferai pas de commentaires, c’est au maire de le faire », a coupé court l’adjoint.

Contacté via son cabinet sur ses intentions et les éventuelles décisions qu’il entendrait prendre à la suite de ce rapport, Guy Lefrand n’a pas répondu à nos questions.

Sollicité à plusieurs reprises, il a choisi de s’exprimer, samedi, dans l’édition euroise de Paris Normandie. Pour assumer le contenu de l’audit qu’il a commandé. «  Il y a des insuffisances dans la gestion administrative, et probablement dans la rigueur juridique, c’est vrai  », reconnaît le maire. Avant de s’en prendre directement à l’État. «  Si l’État donnait les moyens à sa police nationale et à sa gendarmerie d’assurer l’ensemble de ses missions, nous n’aurions pas à intervenir à ce niveau-là et ne se poserait pas la question du rôle de la police municipale (…) Aujourd’hui, nous sommes obligés d’assurer la sécurité car la nationale n’a pas les moyens de le faire  ».

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