Voici une jurisprudence qui confirme le fait que les véhicules des gardes champêtres ne peuvent être munis de feux et avertisseurs sonores spéciaux :
Conseil d’État
N° 453681
ECLI:FR:CECHS:2022:453681.20220715
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du vendredi 15 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juin 2021 et 10 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la fédération nationale des gardes champêtres (FNGC) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur sa demande tendant à l’abrogation du point 6.5 de l’article R. 311-1 du code de la route en tant qu’il ne mentionne pas les véhicules de service des gardes champêtres ou à l’adoption d’un acte réglementaire similaire, pour ces véhicules, au décret du 28 avril 2005 relatif aux véhicules de police municipale ;
2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de procéder à la modification des textes réglementaires demandée dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– le code de la route ;
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la fédération nationale des gardes champêtres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 4 mars 2021, la fédération nationale des gardes champêtres (FNGC) a demandé au ministre de l’intérieur de modifier le point 6.5 de l’article R. 311-1 du code de la route afin de prévoir que les véhicules de service des gardes champêtres soient ajoutés à la liste des véhicules d’intérêt général prioritaires ou, à défaut, d’adopter pour ces véhicules un acte réglementaire similaire au décret du 28 avril 2005 relatif à la signalisation des véhicules de service des agents de police municipale. Elle demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur sa demande.
2. D’une part, le point 6.5 de l’article R. 311-1 du code de la route dresse la liste exhaustive des catégories de véhicules d’intérêt général prioritaires, parmi lesquels figurent ceux des services de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes. Aux termes du I de l’article R. 313-27 du même code, ces véhicules, comme les véhicules d’intérêt général mentionnés au point 6.6 de l’article R. 311-1 précité, peuvent être munis » de feux spéciaux tournants ou d’une rampe spéciale de signalisation « , et, aux termes de l’article R. 313-34 du même code, » d’avertisseurs spéciaux » dont le type est défini par l’arrêté du 30 octobre 1987 relatif aux dispositifs spéciaux de signalisation des véhicules d’intervention urgente. L’article R. 432-1 du code de la route prévoit que les dispositions du livre IV du code de la route, relatif à l’usage des voies, » ne sont pas applicables aux conducteurs des véhicules d’intérêt général prioritaires lorsqu’ils font usage de leurs avertisseurs spéciaux dans les cas justifiés par l’urgence de leur mission et sous réserve de ne pas mettre en danger les autres usagers de la route « . Aux termes de l’article D. 511-10 du code de la sécurité intérieure : » Les véhicules terrestres d’un service de police municipale sont des véhicules d’intérêt général prioritaires dont les dispositifs d’éclairage et de signalisation sont régis par le chapitre III du titre Ier du livre III du code de la route. »
3. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article L. 522-5 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 17 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés : » (…) la signalisation des véhicules de service et les types d’équipement dont sont dotés les gardes champêtres font l’objet d’une identification commune de nature à n’entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie nationale. Leurs caractéristiques et leurs normes techniques sont fixées par arrêté du ministre de l’intérieur « .
4. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes. Compte tenu des différences existant entre les missions des gardes champêtres, telles qu’elles sont notamment définies à l’article L. 521-1 du code de la sécurité intérieure, et celles des policiers municipaux, telles qu’elle sont notamment définies à l’article L. 511-1 de ce code, la FNGC n’est pas fondée à soutenir que les différences qui peuvent affecter les équipements des gardes champêtres par rapport à ceux des policiers municipaux, et en particulier les modalités de signalisation de leurs véhicules de service respectifs violeraient le principe d’égalité.
5. En refusant de faire figurer au point 6.5 de l’article R. 311-1 du code de la route les véhicules de service utilisés par les gardes champêtres dans la liste des véhicules d’intérêt général prioritaires, le ministre de l’intérieur n’a pas entaché sa décision implicite d’une erreur manifeste d’appréciation. En se bornant à soutenir que les gardes champêtres doivent pouvoir bénéficier des mêmes facilités de circulation que les policiers dont les véhicules sont regardés comme des véhicules d’intérêt général prioritaires, la FNGC n’apporte pas d’éléments suffisants de nature à établir que le ministre de l’intérieur aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant au vu des circonstances prévalant à la date de la présente décision, d’étendre aux véhicules des gardes champêtres le bénéfice des dispositions relatives aux véhicules d’intérêt général prioritaires rappelées au point 2.
6. La requête de la FNGC doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la FNGC est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale des gardes champêtres, au Premier ministre et au ministre de l’intérieur et des Outre-mer.